Jardin abandonné

Phaërë, après avoir examiné le lustre lunaire, avait déambulé dans les couloir, pour aboutir à cette charmante clairière. Elle se promenait dans ce lieu paisible, quand lel remarqua, dans un coin, baigné par un rayon d'argent, un petit jardin à l'écart, entre deux murs, attira son regard. Elle s'approcha et s'arrêta devant un jardinet mi-sauvage, mi-cultivé. Des plantes de toutes sortes poussaient dans tous les sens, beau spectacle de la toute-puissance de la nature. En s'avançant doucement, elle remarqua une nichée de mésanges bleues avait élu domicile dans un buisson d'aubépines. Elles pépièrent à l'approche de la jeune femme, mais la mère refusa de quitter ses petits. Et Solnir chanta aux volatiles qu'ils pouvaient rester calme : l'Humaine Ailée était une alliée des oiseaux. Elle sourit à son familier, et s'agenouilla. Elle prit la mère dans sa main, et cette dernière se laissa faire. Les deux discutèrent par piaillements et sifflements. Le jardin était en fait à moitié à l'abandon, mais parfois, ceux qui venaient prendre soin des plantes ne faisaient pas attention à la faune qui vivait en symbiose avec l'endroit. La jeune femme grimaça, se demandant ce qu'elle pouvait faire... Le petit oiseau la rassura : si jamais l'endroit était encore profané, la petite famille irait ailleurs.

"Je ne suis pas d'acord ! Vous êtes là pour maintenir l'équilibre des lieux ! C'est un jardin très ancien, mais on peut en avoir besoin !"

La conversation se poursuivit, l'humaine parlant et l'oiseau piaillant. Le phénix,à laur côté, semblait rire. Pour tout observateur extèrieur, la scène pouvait sembler un peu irréelle, avec un léger soupçon d'absurde. Mais, pour la première fois, Phaërë se fichait des apparences. Elle avait toujours voulu aider et soutenir la nature, et pour une fois qu'elle le pouvait... Après tout, dans la nature sauvage, l'Homme n'avait aucun moyen d'abîmer la Mère. Elle pouvait enfin se rendre utile, elle en profitait !

[Désolée si je dérange! Je fais le tour des lieux histoire de me repérer]

Une goutte d’eau roulant paresseusement le long d’une feuille. Telle pouvait paraître comme une étrangeté au décor et à la scène qui s’y déroulaient. Au milieu de cette goutte, deux beaux yeux, d'un violet étincelant, en amandes observaient les environs. Entre cent et deux cent ans s’étaient écoulés sans que personne ne revoie cette paire d’yeux sur la terre ferme, et encore, à cet instant-là, le terme de 'terre ferme' eut été éronné. Et pourtant l’être à qui ce regard appartenait vivait toujours, loin de tout et surtout de tout souvenir de la part de tous. Ce regard doux, mystérieux et pénétrant fut intrigué par la" jeune femme à l’oiseau". En effet, rares étaient les chevelures d’une telle couleur. Cependant, le regard ne percevait pas tout de la scène, de l'endroit autour de "sa" perle d'eau. Ainsi donc Illuween semblait se repeupler. Le regard observa avec encore plus d’insistance les ailes qui s’offraient à elle, tellement peu connues au sein du domaine et de son peuple.

Phaërë sourit à la mésange et se redressa. Le phénix se réveilla alors du petit somme qu'il avait commencé pendant que sa compagne gazouillait. Il vola vers elle et se posa sur son épaule, détendu. C'est alors que la jeune femme sentit un regard se poser sur elle. Elle se retourna dans l'espoir d'apercevoir quelqu'un, mais elle ne vit rien. L'oiseau lui transmit alors :

**Regarde vers le sol si tu ne vois rien vers le ciel.**

L'Elue suivit le conseil de son familier et vit deux yeux brillants dans l'eau. Ces yeux étaient profondément doux et gentils, mais pétillaient aussi légèrement d'une malice intérieure, ainsi, semblait-il, de quelque chose de plus profond et de plus mystérieux, comme une sagesse ancestrale et mystique.. Elle éprouva alors un profond respect pour la personne à qui ce regard appartenait. Mais elle se demandait ce que faisait là des yeux : dans une goutte d'eau. Leur éclat intense prouvait que ce n'était pas des yeux charriés ici par le courant, les emportant loin d'un champ de bataille. Alors quoi ? Comment savoir? Elle envoya son phénix essayait de récupérer l'organisme.

Le phoenix s'envola et plongea son bec dans la goutte qui s'était immobilisée depuis maintenant quelques temps. Ce fut sans succès. Le bec se retrouva en contact avec de l'eau et l'image des yeux se brouilla un instant. Les yeux froncèrent légèrement les sourcils et le regard se fit un tantinet agressif. A y penser, n'importe qui aurait réagit ainsi s'il se sentait agressé de la sorte. Elle aurait pu attaquer à son tour, ça, tout le monde l'ignorait, mais l'ombre n'en fit rien. Elle préférait rester passifiste autant qu'elle le pouvait. Elle se contenta d'observer l'oiseau avec un regard froid et farouche avant de disparaître et de réapparaître discrètement, comme elle avait procédé antérieurement dans une goutte plus petite déposée sur le sol. Se pouvait-il que les terriens ne soient plus ce qu'ils étaient mais qu'ils soient devenus mauvais et puissent s'attaquer à n'importe qui sans le moindre respect? La femme l'ignorait.
*Tout semble avoir tellement changé. Je ne reconnais pas cecomportement. D'abord leurs apparences se sont transformées et maintenant, il semblerait qu'ils soient également devenus des barbares. Les temps ont changés, drôlement changé!*
Tout changeait, allait et venait, cela au gré des humeurs du temps. Nul ne pouvait le prévoir ni le contrôler. La personne à qui appartenait ce mystérieux regard le savait pertinemment. Cela faisait bien longtemps qu'elle avait renoncé à se poser des questions et qu'elle vivait avec cette pensée. On se souvenait de choses, d'autres disparaissaient éternellement. Elle, se trouvait juste entre ces deux états, glissant ineluctablement vers le second. Elle était loin de tous les événements qui se produisaient à la surface, elle se contentait de la tache que lui incombaient ses responsabilités, pour le bien de tout le domaine et de toutes les générations, quelque soit leurs comportements.

L'oiseau ne trouva que de l'eau là où les yeux étaient apparus. Il transmit sa frustration à sa maîtresse, qui se dit qu'ils avaient dû être le jouet d'une illusion d'optique causée par le soleil, dont les rayon jouaient avec le fond de l'étang. La preuve, les deux symbiotes ne voyaient plus rien que de l'eau. Phaërë ôta ses vêtements et plongea dans le bassin, cherchant dans le fond ce qui avait pu causer ce jeu de lumière. Mais elle ne trouva rien que de petits êtres fragiles et précieux, que seule Illuween abritait encore. L'Ailée sortit de l'eau et se rhabilla, parlant à voix haute à son familier :

"Je constate qu'une fois encore, ce domaine est à l'abri des désastres qui ont ravagés le monde extérieur... Si seulement les hommes se rendaient comptes qu'il s'exterminaient les uns les autres... Comme mes parents qui ont tué tous leurs oisillons à l'aube de leur vie. Mes frères et soeurs n'avaient même pas pris leur envol quand nos géniteurs les assassinèrent les uns après les autres.... Quelle tristesse que ce monde dégénère à ce point..."

La créature qui avait été humaine s'assit sur une pierre au bord de l'eau, en lissant un pied pendre dans le ruisseau, le regard perdu dans le ciel, une expression triste sur le village. Elle avait pitié des fous qui se détruisaient.