Le bassin aux nénuphars

Cela faisait quelques semaines maintenant qu'Irysëis avait quitté la grotte et son chanteur solitaire. L'Ondine ne savait toujours pas de qui il s'agissait et cela l'intriguait un peu plus chaque jour. Ce qui rassérénait néanmoins la jeune femme, c'était qu'elle n'avait guère mis de temps à retrouver ses repaires. C'est ainsi qu'un après-midi ensoleillé la Gardienne se rendit à un bassin remplit de nénuphars de sa connaissance. Sa présence était la seule dans ce lieu et le calme était apaisant. Posant ses pieds nus sur les galets délimitant le coin réservé au bassin, Irysëis ferma les yeux d'aise et respira profondément. Le vent fit voler les cheveux de la belle autour de son doux visage, tandis que ses pieds foulaient l'herbe verte et tendre. Elle était déjà venue par le passé, dans des circonstances similaires. Elle en était persuadée. Comme en réponse à cette certitude, des rires et des éclats de voix se firent entendre autour d'elle. Faisant un tour sur elle-même, Irysëis ne vit personne, cependant que les bruits devenaient plus audibles. Surprise de discerner sa voix parmi les deux qu'elles entendait, la Gardienne se figea au centre de l'endroit, à nouveau parcouru par les frissons qui s'emparaient d'elle quand des brides de mémoire lui revenaient.

Le frisson était plus chaleureux, puissant et délicieux que tous ceux que la belle avait ressenti naguère. Prise subitement de langueur, la belle se laissa choir doucement au sol en tentant tant bien que mal de se détendre pour mieux se concentrer. Elle se rendit compte rapidement, qu'à présent elle revivait ce qui avait dû être un épisode de son passé. Et c'est ainsi que sans le voir venir, elle se retrouva lovée agréablement et tendrement entre les bras musclés à la peau douce d'un beau jeune homme, tandis que des lèvres tièdes se posaient sur son front. L'Ondine se serra un peu plus dans les bras de l'être qui l'accompagnait, de concert avec l'image de son passé. Les deux amants discutaient avec insouciance. La Gardienne du présent parlait avec la voix de l'ancienne qui résonnait tel un écho.
Je ne suis pas sûre de comprendre ce que tu racontes. Pourquoi parles-tu d'un moyen pour qu' "un être comme toi puisse aller par-delà les flots?"

Parce que, quand nous avons commencé à nous aimer, nous ne nous sommes pas posé la question d'éventuelles incompatibilités entre nous. Ne te fâches pas, je veux dire que les éléments auxquels nous appartenons tous deux se repoussent. Et l'eau est le seul obstacle actuellement pour que je puisse être à tous moments à tes côtés.

Je ne pensais pas que cela te toucherait à ce point. Il est vrai que je peux venir à toi, tandis que tu ne peux venir à moi. Ça me touche aussi et je te jure que si je connaissais une façon de palier à cela, je te le dirais. Mais nous avons toute la vie pour trouver ce moyen.

Tu as raison, mon amour, toute la vie.

Après quelques minutes d'embrassade, le beau brun demanda.

Relève tes cheveux s'il te plaît.

Qu'y a-t-il? Je ne te suis pas.

Irysëis obtempéra cependant et ferma à moitié les yeux tandis que son amant passait derrière elle et ponctuait ses mouvements de baisers sur sa nuque découverte. Quelque chose de frais frôla alors la cou de la jeune femme, en même temps que l'être derrière elle effleurait ses épaules de ses mains tièdes.

Qu'est-ce? C'est magnifique.

Un présent symbole de mon amour et ainsi rien ni personne ne pourra m'arracher à ta mémoire., répondit l'homme passa son bras dans le creux du dos de l'Ondine pour l'aider à s'allonger dans l'herbe tout en l'embrassant délicatement.
Ayant perdu leur gravité, le reste de leur discussion fut entrecoupé tout le reste de l'après-midi, par les baisers d'Irysëis le long de la mâchoire de l'Homme-Phoenix et des chastes caresses de ce dernier sur les bras et la gorge de sa belle.

Le crépuscule commençait à apparaître quand Irysëis revint à elle quand elle sentit des lèvres sur les siennes alors qu'elle était seule près du bassin. Elle se souvenait à présent de tout. Les doigts effleurant sa bouche, elle murmura d'un air triste

"Ael'"

Et se leva pour quitter les lieux avec mélancolie.